Interview de Josette Hersent

Josette Hersent sait manier le verbe avec force et émotion. Ses poésies sont des musiques, presque des chants de l'intérieur. "Continuera sans nous la procession des jours", écrit-elle par exemple avec émotion.
 
Après avoir vécu une épreuve, Josette Hersent nous parle de la vie humaine dans toute sa profondeur, dans sa mélancolie et dans sa beauté aussi. Et quand elle nous parle d'elle, elle nous parle de nous...
 
Parmi ses recueils de poésies, à relire ou découvrir : Dans la main du silence (Editions du Chameau, 2020).
 
Une interview exclusive BloomTime : 
 
 
Vos recueils de poèmes inscrivent l'importance de l'écriture pour vous : comment en êtes-vous venue à écrire, que vous apporte l'écriture, et particulièrement la poésie, par rapport à votre parcours de vie ? Diriez-vous que la poésie vous permet d'avancer dans la vie, et de quelle manière ?
 
 
Chaque soir, sous forme de journal intime, j'ai commencé à écrire tout de suite après le départ de Blaise.
Je n'avais jamais écrit avant.
L'écriture comme un pont reliant deux mondes, celui du visible et de l'invisible. Ce monologue, je le voulais dialogue pour que rien ne finisse, que tout continue ; dialogue étrange avec l'absent.
 
Si j'avais pu, j'aurais gravé dans le marbre ce que je voulais surtout ne pas oublier, occulter...
 
Les poèmes sont venus s'intercaler dans les phrases, furtivement d'abord, puis prenant de plus en plus de place.
 
Parallèlement, après avoir basculé d'un forum cancer sur un forum deuil, j'ai commencé à discuter avec des personnes connaissant la même douleur.
Nous avons eu de profonds échanges, nous parlions " vrai", sans filtre.
Je postais mes poèmes, tous sur le deuil, tristes, mais remplis d'amour, d'espérance peut-être aussi.
Ces personnes m'ont encouragée à continuer d'écrire les poèmes. Elles disaient que mes mots étaient ceux qu'elles ne savaient exprimer.


C'est comme cela que tout a continué.
 
L'édition, c'était pour honorer la mémoire de Blaise, continuer à le faire vivre.
 
L'écriture ne sauve de rien, c'est juste une béquille. Elle permet de renouer quelque chose, d'aller vers l'autre.
Ce qui parle le mieux à son lecteur étant bien sûr ce qui fait écho avec sa propre histoire.
 
Ensuite l'écriture s'est élargie. Comme un éventail replié qui se déploie.
Elle s'est aussi transformée, enrichie.
 
Avec toujours ce fil rouge qui me relie à Blaise.
 
 
Parmi vos poèmes, quel est celui dont vous aimeriez qu'il soit le plus connu et partagé ?
 
 
Poème : Te reconnaître
 
 
Dans la fleur qui éclot et dans l'enfant à naître
Dans le regard du chien qui retrouve son maître
Au plus profond des mots, dans l'encre et dans la sueur
Du poème égaré le manque annonciateur.
 
Dans les yeux des amants que la joie réunit
L'espace d'un instant ouvert sur l'infini
Passer le jujubier, franchir l'inconnaissable
Retenir de l'azur la couleur ineffable.
 
Dans le chant du ruisseau, cascade du matin
Quand l'oiseau y ébroue son grelot de chagrin
Dans le baiser volé à l'étoile filante
Le vœu non prononcé à l'éphémère amante.
 
Quand la senteur de l'herbe si fraîchement coupée…
Exhale, unit à l'air, sa fragile épopée
Quand le sel de la mer, sur ma peau, déporté…
Laisse des arabesques aux cristaux argentés.
 
Dans la pluie attendue par la terre assoiffée
Au prince d'un seul jour, à la bergère aimée
Et puis dans cet espace où ton rire se fait
L'écho d'une promesse.
 
 
 
J'ai choisi ce poème, mais c'était compliqué de choisir. Écrit pour Blaise.  
 
 
 
 
Publié le 30 Mars 2023

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